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Emmanuel Legeard

® Strength and nutrition

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Entretien avec Michel Broillet


[Cette "vieille" interview est parue il y a plus de dix ans. Michel habitait alors encore à Russin, un petit village de la grande banlieue de Genève. Passionné de diététique, il m'avait envoyé un email que j'ai encore où il déclarait, après avoir lu un de mes articles sur la nutrition de force, que "si l'on m'avait eu comme nutritionniste à l'INS [1] à [son] époque, ça aurait révolutionné les performances naturelles". L'interview qui suit m'a été beaucoup réclamée, ces derniers temps. Elle a évidemment frappé l'imagination des lecteurs. Cela n'est pas étonnant, car Michel y apparaît comme un homme hors du commun, et les fortes personnalités ne s'oublient pas facilement. J'y joins pour l'illustrer deux photos exclusives qui ne figuraient pas dans la publication originale, et que je tire de ma collection. Vous ne les trouverez nulle part ailleurs. Il s'agit des photos de François Lancoud vers 1900 [2] et de Michel exécutant un magnifique jeté à 195kg; c'était en 1969.]

Années 1970. La guerre froide bat son plein. Cette guerre qui oppose le monde communiste au monde capitaliste sévit de manière larvée: espionnage industriel, course aux alliés, mais aussi prestige sportif, car il faut séduire les masses. Les stades sont des champs de bataille et les enjeux vont bien au-delà de la satisfaction personnelle. Depuis une génération, le sport que les Soviétiques dominent, c’est l’haltérophilie. Désormais les noms des champions se déclinent en –ev, –ov ou –ski et voilà un moment déjà que le Gimn Sovetskogo Soyuza a comme supplanté l’hymne olympique. L’ascendant est total. Le monopole, incontesté. Malgré la réelle valeur de leurs athlètes, les grandes nations comme l’Amérique ou la France se résignent aux secondes places.

Que faire, en effet, face à des surdoués triés sur 100 millions d'hommes, à des machines archi-rodées aux méthodes les plus avant-gardistes, à des soldats politiques fanatisés par la propagande? La lutte paraît perdue d’avance, et nul n’imagine qu'un Suisse peut bousculer la donne. Seulement, dans le vide technologique le plus absolu, courageusement, Michel Broillet improvise et bricole. Il n'a ni entraîneur ni matériel sophistiqué, mais il est hanté par la volonté farouche de vaincre. Il travaille pour vivre. Pour concourir, il s'arrange avec ses congés. Et il monte, inexorablement. En 75, confronté à Rigert à Moscou, Michel ne cède l’arraché qu’au poids de corps… pour 194 grammes de différence! Deux ans plus tard, à Paris, c’est la consécration: Michel a passé la barre des 170. Il est recordman du monde.

Dites-moi Rigert, et je vous répondrai Broillet. – Qui ça ? - Broillet! Michel Broillet.

Michel Broillet

Naissance d'un champion

Emmanuel Legeard : Tu penses que tu étais prédisposé à devenir un haltérophile de classe mondiale?

Michel Broillet : On ne peut pas dire ça. Je suis né en 44, c'était la guerre, la pénurie. Je suis né avec une dysenterie. On me nourrissait au jus de riz. A l’école, j’étais le plus petit. J’étais gringalet; je n’avais pas de bras, pas de muscles… mais j’étais très rapide et assez endurant, et j’étais bon skieur. Et puis, mon père avait une bonne génétique. Il était très fort de nature. Donc il y avait sûrement un potentiel.

Emmanuel Legeard : Quand as-tu découvert la culture physique ?

Michel Broillet : J’avais dix-huit ans. Je pesais moins de soixante kilos et je ne mesurais qu’un mètre soixante-treize. C’est à cette époque que mon beau-frère m’a montré un magazine culturiste qu’il avait ramené de Genève. J’ai acheté des poids de deux kilos dans une fonderie de la ville et j’ai commencé avec la méthode Rouet, qui recommandait de se fortifier en allant «des organes aux muscles». Et puis, comme j’avais commencé à acheter les revues, j’ai commandé la méthode Duranton par correspondance. On dira ce qu’on veut, que ça avait l’air tarte ou je ne sais quoi, il y avait quand même du bon, parce qu’on te demandait de faire des sauts. Finalement, c’est avec la méthode Weider que je me suis mis à un entraînement culturiste digne de ce nom. J’ai commencé à faire ce qu’il fallait : de la série de 6, des mouvements de base, etc.

Emmanuel Legeard : En même temps, tu travaillais dur comme apprenti...

Michel Broillet : A l’époque, j’étais apprenti boulanger à Broc. Je travaillais la nuit, 6 jours par semaine, mais j’avais un bon patron qui me payait bien et me logeait convenablement. Dès que j’avais un instant de libre, j’enfourchais ma bicyclette, je regagnais Epagny à quatre kilomètres de là et je faisais ma culture physique.

Emmanuel Legeard : C’était quand, la première fois que tu t’es inscrit dans un club ?

Michel Broillet : Deux ans plus tard, quand je suis arrivé à Genève. J'ai commencé à m'entraîner chez Chillier. Puis, je me suis inscrit dans la salle d’André Houx, un Français, un type formidable, qui connaissait son affaire. Il n’avait pas fait de concours, rien, mais c’était un culturiste terrible. Il me faisait faire des squats, des fentes, tout. Je crois qu’il est à Lodève, maintenant. Il doit avoir plus de 70 ans. C’est un écolo, un naturiste. Il garde les chèvres, vit dans la nature, tout ça. Il a construit sa maison. C’était un artiste, il faisait des dessins extraordinaires. A l’entraînement, c’est lui qui m’a appris l’intérêt d’endurer la souffrance. Il me disait : « Là, t’es faible des cuisses, faut y aller : allez ! allez !» Parce que je m’entraînais avec lui, mais lui, évidemment, il était beaucoup plus fort que moi.

Emmanuel Legeard : Tu ne faisais pas encore d’haltéro, à l’époque ?

Michel Broillet : Non, j’ai rejoint Châtelaine en 1967 quand des copains m’ont dit que c’était 40 francs par an – chez André Houx, je payais 40 francs... par mois! Il y avait 15 haltérophiles, deux équipes. Je suis arrivé dans cette vieille salle, sous l’école de Châtelaine... le sol était en terre battue, les plateaux, c’étaient des planches posées par terre. Il fallait payer 50 centimes pour prendre une douche. Je me suis inscrit. Et puis, à partir de là, comme à l’époque j’étais dans le bâtiment, et que j’avais accès à du matériel, j’ai refait toutes les machines. J’ai imité les installations d’André Houx, tout en bois. Mais c’était costaud. Tu lâchais tes barres, pas de problème – ça encaissait tout ce que tu voulais.

Emmanuel Legeard : Tu as pratiqué l’haltérophilie aussitôt ?

Michel Broillet : Non. Moi, j’étais culturiste. Ce qui m’intéressait, c’était la culture physique. Et puis, il y a un gars qui s’est blessé, en 1969, et on a eu besoin d’un remplaçant. J’y suis allé pour dépanner. C’est comme ça que tout a commencé.

Emmanuel Legeard : Tu t’es progressivement tourné vers la technologie de pointe, je me souviens. L’haltérophilie suisse n’avait pas bougé depuis 1903 et la victoire de Lancoud aux championnats du monde, et toi, tu as révolutionné tout ça...

Michel Broillet : J’avais fait venir un spécialiste comme entraîneur national pour qu’il s’occupe de l’équipe. C’est là que j’ai commencé à acheter du matériel vidéo, parce que je ne comprenais pas ce qu’on me disait : tu tires trop tôt, pas assez, t’es trop en avant, trop en arrière, t’as pas repassé les genoux, t’as pas fini avec les épaules, etc. C’est facile à dire, mais toi, tu ne te vois pas toi-même, tu n’as aucune idée de ce qui se passe. Et puis, des fois, ça ne va pas du tout, ça tombe constamment derrière, derrière, derrière ou devant, devant, devant. Tu n’y comprends rien. Tu constates juste que ça foire, c’est tout. Il fallait que je puisse me voir. Là, avec la vidéo, on se passait la bande systématiquement au ralenti entre les blocs de triplés. C’était une première, et ça coûtait cher. Deux mille cinq cents balles en 1973, une fortune. C’est comme ça qu’on a créé la section musculation : pour financer l’haltérophilie. On est passé de 3 membres à 150 Les culturistes payaient 100 francs à l’année.

François Lancoud

Emmanuel Legeard : Ils te considéraient comme un culturiste ou comme un haltérophile ?

Michel Broillet : Les tireurs me considéraient comme un tireur et les culturistes comme un culturiste parce que j’avais fait 3e à Europe 1970, juste derrière Beckles et seulement 15 jours après avoir remporté les nationaux d’haltéro. Quand on ne savait pas qui j’étais, on ne voyait que les muscles et on ne pensait pas que j’étais autre chose. Il y a un type, une fois, qui passe derrière moi, et je l’entends dire: “Pff, c’est tout d’la gonflette”. Ça tombait plutôt mal, là, parce que, tu vois, j’étais champion d’haltéro, de power, tout ça. Alors bon, il a eu l’air con, mais c’est sûr que ça ne l’a pas guéri.

Un parcours du combattant

Emmanuel Legeard : Il n’y avait pas de comparaison entre l’entraînement de Rigert et le tien.

Michel Broillet : Rigert s'entraînait beaucoup plus que moi, et quand je disais combien de temps je m'entraînais par semaine, il ne me croyait pas. J'avais donné une conférence de presse à l'occasion des championnats du monde. Les journalistes voulaient savoir combien de fois par semaine je m'entraînais, et je répondais : « Après le travail !... » Des fois, 5 jours par semaine, des fois deux seulement, en fonction du temps disponible. J’essayais de faire trois entraînements d’haltérophilie, et puis deux entraînements de musculation pour le plaisir, histoire de taper dedans.

Emmanuel Legeard : En somme, c’était 10 heures par semaine contre 10 heures par jour...

Michel Broillet : Ouh ! là... 10 heures par semaine? C’était pas souvent! Je travaillais à plein temps, quand même.

Emmanuel Legeard : En plus, on ne te faisait pas de cadeau...

Michel Broillet : Les JO, c'était sur mes vacances. Je gagnais pas de sous, parfois même, j'en grillais. Il y a juste un gars, une fois, au conseil administratif, qui m'a donné une semaine pour que j'aille m'entraîner à Saint-Moritz en 71. Mais bon, fallait pas trop le dire... Ah! Oui, on m’avait aussi autorisé à quitter le travail avec un peu d'avance, l'année olympique, six mois avant les Jeux. Mais j'avais un chef qui me rendait la vie impossible, si bien que ça n'a pas marché. C'est étonnant, le monde qui m'a foutu des bâtons dans les roues. Gratuitement. Il y avait une jalousie, c'était incroyable! Je n'ai jamais très bien compris pourquoi.

Emmanuel Legeard : Quand on t’accordait des aménagements de planning, qu’est-ce qu’on te demandait en contrepartie ?

Michel Broillet : On exigeait que je perde mon temps à des stages techniques à mourir de rire où on n'apprenait strictement rien. En 1972, j'étais qualifié pour les jeux olympiques et j'ai refusé d'aller à un de ces stages... parce que c'était bidon, tu comprends. Eh! bien, figure-toi qu’on m'a retiré de la liste des athlètes pour les JO! J'ai pas été aux jeux olympiques parce que j'avais refusé le stage. J'avais fait 460 aux trois mouvements – il fallait faire 400 – et je m'étais qualifié deux années de suite. Mais non, j’ai pas eu le droit d’y aller ! Tu te rends compte ? Régulièrement soixante kilos au-dessus de la qualif’, seul athlète national... et interdit de compète !

Emmanuel Legeard : Ta situation s’est améliorée par la suite ?

Michel Broillet : Après, à partir de 1976, la Fédération Suisse et la dette sportive se sont finalement décidées à financer mes absences en dédommageant la municipalité des jours manquants. Mais il fallait que je me tape les stages.

Emmanuel Legeard : Ca ne t’a jamais rien apporté.

Michel Broillet : Si, des blessures. Si je me suis bousillé en 76, c’est à cause du stage. Ils nous ont fait faire de ces conneries! J’ai jamais compris. D’abord, un athlète qui marche, je me demande bien pourquoi on essaie de casser ses habitudes. On t’oblige à t’entraîner deux fois par jour, on te met au régime sec... c’est mauvais, tout ça. Tu reviens fatigué, et c’est là que tu te blesses.

Emmanuel Legeard : Mais tu rencontrais des Français, et ça, c’est un bon souvenir, pas vrai ?

Michel Broillet : C’était le seul bon côté. Le stage, c’était une occasion de revoir des potes et d’aller boire un coup. Je connaissais Aimé Terme, qui était un splendide arracheur, deux fois champion du monde de l’arraché. J'étais allé le voir à la Chaux-de-Fonds.

Emmanuel Legeard : La France, à l’époque, c’était quelque chose. Les Soviétiques avaient copié les méthodes et les techniques de Lambert, l’entraîneur de Terme, qui avait battu tout le monde à Varsovie, à Columbus et à Reims en 72. Et puis il y avait Gourrier, Senet coaché par Maier... On était fier d’être français!

Michel Broillet : C'était une belle époque, très saine, parce qu'on ne faisait pas ça pour l'argent, on faisait ça pour le plaisir. Maier, je l’ai connu comme entraîneur de Senet... Très fort, Senet, très fort. Je me souviens que je lui avais filé le truc de la B12, parce qu'on cherchait des alternatives au dopage. Mais la plupart des gars avaient un avantage considérable sur moi: ils ne travaillaient pas. Enfin... il y en avait qui travaillaient et d’autres, non. Mais les meilleurs, en général, ils ne faisaient que ça – de l’haltéro. Je me suis entraîné l'INS: les Belges ne travaillaient pas, les Italiens ne travaillaient pas, les Français ne travaillaient pas. Il n'y avait pratiquement que ça. On a beau dire, ça aide, quand même!

Emmanuel Legeard : Quand tu disais que tu travaillais, vu tes résultats, personne ne te croyait...

Michel Broillet : Ah ! non, personne, hein, parce que je leur disais : « Je m’entraîne trois fois par semaine, une heure, deux heures par séance ». Et eux, ils rigolaient. Ils pensaient que je me foutais d’eux. C’était vrai, pourtant.

Secrets

Emmanuel Legeard : Bon, mais alors, il y avait bien un « secret » Broillet. Tu m’as dit toi-même que tu n’étais pas une force de la nature au départ. Tu n’étais pas coaché, tu n’avais pas de matériel, tu étais obligé de travailler tes 40 heures par semaine... alors, quoi ? Où était le truc ?

Michel Broillet : Bon, d’abord, psychologiquement, j’adorais ce que je faisais. Je n’étais pas obligé de le faire. J’aimais ça. Tu vois, un type comme Rigert, il avait tout à perdre et pas grand chose à gagner, en définitive. Moi j’avais tout à gagner et rien à perdre. Ça fait une sacrée différence !

Emmanuel Legeard : Bon, mais techniquement, du point de vue alimentaire, tout ça, tu t’y prenais comment ?

Michel Broillet : J'ai observé, puis j'ai fait une synthèse. Je faisais de la musculation trois fois par semaine, idéalement lundi, mercredi, vendredi, et puis mardi et jeudi, technique, technique, technique, mais léger. Toujours léger. Je ne faisais jamais de maximums en haltéro. Même la séance test, elle était à 95%. Quand je faisais des triplés, c’était jamais au taquet. J’arrachais 170, mais je pouvais travailler à 120. Je faisais des tas d’arrachés à 100kg pour garder le rythme et la vitesse.

Emmanuel Legeard : Tu faisais beaucoup de musculation.

Michel Broillet : C’est une partie du secret, si l’on veut. Je faisais une chiée de musculation lourde. Les mouvements de musculation, eux, je les faisais à bloc, très lourds et à l’échec. Et je les faisais en priorité dans la séance. J’arrivais, je faisais du squat directement. Du coup, quand j’étais en match, ça me semblait facile en comparaison, parce qu’il n’y avait pas la préfatigue de la musculation derrière. C’est comme ça qu’un jour j’ai pu jeter 200kg en rigolant, sans effort. Deux semaines avant les championnats du monde, j’arrêtais la musculation, et je travaillais léger.

Emmanuel Legeard : C’était une approche culturiste de l’haltérophilie.

Michel Broillet : Le culturisme, pour moi, c’était la base, c’est grâce à ça que je suis devenu champion du monde. Il y a des tas de gars qui auraient pu en faire autant, mais qui ont végété parce qu’ils avaient la cervelle cloisonnée et qu’ils rejetaient le body-building par principe.

Emmanuel Legeard : Au tout début de ta carrière haltérophile, tu avais suivi le troupeau et laissé tomber la culture physique. Qu’est-ce qui t’a poussé à t’y remettre ?

Michel Broillet : En 73-74, j’étais planté. Je ne progressais plus, ça ne servait à rien de continuer. Plus tu t’acharnes sur un mouvement, moins tu avances. Je me suis mis à la musculation. Ça a permis à mon corps de se reconstituer et, psychologiquement, ça m’a apporté la confiance nécessaire. A partir de là, je n’ai plus jamais laissé tomber. Et je travaillais vraiment en culturiste : tension continue, 6-4-3-2-1, etc. Je m’entraînais souvent à l’instinct, et j’avais pour principe : « Jamais le même entraînement deux fois de suite. » Je n’ai changé ma façon de faire qu’une seule fois, en 76; je me suis obligé à suivre le programme à la con qu’ils m’avaient donné en stage. Ça m’a complètement désorganisé et j’ai foiré.

Emmanuel Legeard : Donc, le culturisme ne diminuait pas tes performances ?

Michel Broillet : Il les améliorait. A l’INS, quand on nous faisait sauter à pieds joints, je faisais régulièrement 3 mètres 30. Aux escaliers, je battais tout le monde. Et c’est aussi grâce au body que j’ai pu me rattraper à l’épaulé-jeté. Un des revers de s’entraîner seul et pour le plaisir, c’est que tu as tendance à laisser de côté ce que tu aimes moins. Comme je préférais l’arraché, l’épaulé-jeté passait après et j’avais pris du retard. La musculation m’a permis de rééquilibrer mon total en faisant remonter mon jeté à 125% de l’arraché avec 210. Je n’y serais pas arrivé avec une méthode strictement haltérophile.

Emmanuel Legeard : Du point de vue alimentaire aussi, tu te comportais en culturiste et je suppose que ça devait faire une différence de taille dans la probabilité de succès.

Michel Broillet : J’expérimentais beaucoup. J’ai avalé des trucs vraiment dégueulasses comme du sang de cheval en ampoules, des embryons de poulet, des choses comme ça. Macolin nous avait mis au régime carné. Le résultat n’était pas convaincant. J’avais un peu moins la sensation de poids, peut-être, mais je ne suis même pas sûr. Il y avait des choses qui marchaient bien, comme ces protéines de viande de cheval qu’un douanier me faisait venir d’Italie. C’était ignoble, mais je me sentais bien quand j’en prenais. Sinon, je mélangeais du soja avec de la poudre de lait et du malt et je prenais du fenugrec et du Pharmaton pour l’influx... Je prenais aussi de la B12 en intraveineuse, de l’ATP et de l’arginine.

Emmanuel Legeard : Aujourd’hui tu t’es reconverti dans le cyclisme, et là aussi tu es champion. La clef de ton succès?

Michel Broillet : ...(temps de réflexion)... Je n’aime pas perdre.

Performances

Arraché (à 89kg de PC): 175kg

Epaulé-jeté (à 93kg de PC): 210kg

Développé (à 83kg de PC): 157,5 (le 27.05.1972 à Genève en lourds-légers).

Total (L): 382kg

Soulevé de terre (-100): 305kg



Notes

[1] INS=Institut National des Sports. Nom de l’lNSEP avant la fusion de 1975.

[2] François Lancoud est aujourd'hui totalement oublié, et les rares textes qui l'évoquent disent bien des bêtises. Tordons le cou à quelques erreurs de noms, de barres et de dates qu'on voit reproduites partout. Voici les faits, que j'énumère après m'être donné la peine de dépouiller les archives de l'époque (ce qu'apparemment, personne n'a cru utile de faire jusqu'à présent): après l'organisation, en 1901, du premier championnat de France d'haltérophilie sous le patronage de l'Haltérophile-Club de France, Desbonnet décida d'organiser au Moulin Rouge un championnat du monde comportant deux catégories: amateurs et professionnels. Ce championnat eut lieu en soirée les 6, 7 et 8 octobre 1903. La Tribune de Genève du 9 octobre 1903 explique que François Lancoud a décidé de participer dans la catégorie des amateurs en sa qualité de "fondateur du club des jeux olympiques de Genève". Le Journal de Genève, dans son édition du 8 octobre, avait déjà annoncé que Lancoud disputait la finale du "Championnat du monde de force organisé au Moulin Rouge par (le journal) L’Auto"[2bis]. Mais c'est au Courrier, plus rapide que les autres, de rapporter le premier - dès le 8 octobre - l'issue des championnats: "M. Lancoud a réussi à soulever 265 livres à deux mains. Schneidereit se luxe le poignet au jeté à 260 livres. Trop lourd pour lui. Il déclare forfait. Lancoud gagne 1 trophée (une statuette d’une valeur de 3000 francs)". En retard de 24 heures sur les confrères du Courrier, le Journal de Genève du 9 octobre 1903 complète en revanche utilement les informations déjà disponibles: "Lancoud, triomphateur des 3 soirées du championnat amateur : arraché à deux mains : 220 livres, jeté à deux mains : 265 livres, Lancoud : 1er avec 1078 pts, Schneidereit : 1067 pts. Seuls Lancoud et Schneidereit passent la barre des 260 livres." Le Genevois François Lancoud est donc le premier champion du monde amateur de l'histoire de l'haltérophilie moderne. Il a remporté les championnats le 8 octobre 1903 au Moulin Rouge en réussissant un arraché à 220 livres et un jeté à 265. On lui remet, en plus du titre, un trophée (une "statuette") estimé à 3000 francs. Au physique, un numéro de La Patrie suisse daté de 1902 nous apprend que François Lancoud pesait 100kg pour 1 mètre 74. Il avait un tour de bras de 42 cm et son expansion thoracique était évaluée à 1 mètre 20.

[2bis] L'Auto(-Vélo) fut le grand quotidien sportif avant L'Equipe. Créé en octobre 1900, il ferma ses portes à la libération de Paris. Dirigé par le célèbre Henri Desgrange jusqu'à sa mort en 1940, il entra dans la collaboration sous l'Occupation, ce qui lui valut de disparaître au cours de l'épuration.

Emmanuel Legeard

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