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Emmanuel Legeard

® Entraînement de force et nutrition

Articles

Développer Sa Prise en préparation physique par David Hürzeler


David Hürzeler, polytechnicien et champion de "grip", est le meilleur spécialiste francophone du développement pratique de la force des mains et des doigts. Il est également l'auteur d'articles parus aux Etats-Unis dans des revues spécialisées.

Dans énormément de sports, les mains sont l'interface entre le pratiquant et son adversaire (pour les sports de combats) ou son "outil" (raquette, rame, perche, le rocher, etc...) s'il en a un. Négliger le travail de la prise revient donc à gâcher une grande partie du travail de renforcement du reste du corps.

La prise : tenir

L'athlète qui souhaite entrainer sa prise afin d'améliorer sa performance aura intérêt à structurer cet entrainement en deux parties: un première consacrée au travail spécifique adapté à son sport, et une seconde de renforcement plus généralisé.

Dans la quasi totalité des sports qui sollicitent la prise, les fléchisseurs des doigts travaillent en régime isométrique. En conséquence, et pour une efficacité maximale, l'athlète tâchera de simuler au plus près l'effort sur ses mains lors de l'entraînement spécifique. En effet, ce travail en isométrie ne porte ses fruits que sur des positions très proches de celles travaillées [1]

Il faudra souvent faire preuve de créativité pour trouver des outils et des techniques d'entrainement qui simulent au plus près les conditions du sport. Ainsi, par exemple, un golfeur pourra choisir de renforcer sa prise en faisant des levers à la barre verticale. Il aura intérêt, pour maximiser le transfert de ses gains de force, à utiliser une barre verticale de diamètre aussi proche que possible de celui de ses fers de golf. Le grimpeur, lui, se trouvera bien de travailler ses suspensions sur des prises variées (prises en pince de différentes largeur et profondeur, plats de différentes inclinaisons, prise en arquée, semi-arquée, et tendu, etc....). Le judoka pourra quant à lui faire des levers à une ou deux mains en utilisant une serviette passant dans une sangle lestée, de manière à simuler le kimono de l'adversaire.

Ce travail spécifique sera complété par du renforcement plus général. Il s'agit plutôt ici d'un travail en régime concentrique et en amplitude complète, et executé sur un appareillage plus standard. Par exemple, les athlètes mentionnés ci-dessus auront soin de complèter leur travail de la prise par des renforcement des fléchisseurs des doigts sur des poignées de force ou en laissant glisser une barre tenue à bout de bras au bout des doigts et en la remontant en les enroulant.

Les poignets : transmettre

Mais le travail des avant-bras a une autre fonction que celle de ne pas "lâcher": celle de permettre une transmission optimale de la force des muscles moteurs du mouvement à l'outil ou à l'adversaire lors de mouvements dynamiques. Et le maillon crucial qui doit pouvoir se rigidifier à volonté sous l'effort, ce sont les poignets de l'athlète. Le boxeur, le joueur de tennis, et même le grimpeur (notamment lors de la phase d'élan d'un jeté) auront donc tout intérêt à renforcer les flechisseurs et extenseurs des poignets, et à travailler aussi les flexions radiales et cubitales, ou éventuellement ensemble, comme le propose Emmanuel Legeard: finir la flexion en supination par une flexion cubitale et l'extension de poignet par une flexion radiale. Et même dans certains cas, à faire des rotations de poignet (pour le judoka, par exemple). Comme pour la prise, ce travail pourra être divisé en spécifique en isométrique et concentrique en renforcement général.

Pour maximiser l'applicabilité de ce travail, l'athlète pourra dans certains cas le combiner avec le renforcement musculaire plus général. Ainsi, par exemple, le judoka pourra faire une partie de ses flexions et extensions de bras en tenant ses charges avec sa serviette, ou en utilisant un haltère à poignée épaisse.

Une petite remarque: c'est certainement une mauvaise idée de travailler le renforcement sur les mouvements techniques, parce que ça va inévitablement dérégler l'athlète: en caricaturant, un joueur de tennis qui travaille son service avec une poignée glissante se dérèglera, alors qu'il y a d'autres moyens de travailler spécifiquement sa prise pour le tennis.

Quelques notes sur le renforcement général des avant-bras

Quelques mots concernant le renforcement général des avant-bras: Tout d'abord, l'athlète aura soin de trouver des mouvements qui lui sont articulairement confortables, de façon à ne pas prendre de risque de blessure. En jouant sur les outils, la position du corps, le travail unilatéral plutôt que bilatéral, il est rare de ne pas trouver un mouvement qui nous convient. Par exemple, pour les flexions de poignets, il pourra essayer plusieurs versions: à un bras, à deux bras, sur le genou en supination, dans le dos en pronation, avec une poignée tournante à la poulie haute, etc...

Evidemment, ce travail suivra un bon échauffement général, et l'athlète privilégiera l'amplitude maximale sur les mouvements de renforcement général (et éventuellement, les étirements passifs après l'effort). Enfin, et c'est peut-être le plus important (parce que souvent négligé), l'accent sera mis sur les antagonistes, de façon à ne pas créer de déséquilibre musculaire qui conduira inévitablement aux inflammations et blessures. Par exemple, le grimpeur devra impérativement compléter son entrainement par des extensions de doigts et de poignet, qu'il ne travaille que très peu en grimpant.

Conclusion

L'amélioration de la performance passe par le renforcement des maillons faibles. Jean-Pierre Brulois, recordman de France et ex-champion du monde de force athlétique, conseillait à qui voulait renforcer sa prise de travailler ses auriculaires, contributeurs du "squeeze grip" [2]. Il existe beaucoup de façons de travailler ses auriculaires. En guise de conclusion, en voici une qui sort peut-être un peu de l'ordinaire. Il s'agit de faire des tenues de barre (de 4 à 8 secondes environ), en pronation, et en variant l'écartement des mains au fil des tenues, en commençant avec les mains qui se touchent, pour finir en prise d'arraché (mais sans crochetage, évidemment). L'athlète enchaînera avec des flexions cubitales executées (en 3*12 par exemple) de la façon suivante: il faut tenir une charge au bout d'un manche (une masse, par exemple) verticalement, la main posée sur un support idéalement plus haut que la tête de l'athlète (par exemple, sur une table devant laquelle il est accroupi), et baisser cette charge vers le front en la controlant et la remonter, après une courte pause en bas du mouvement.


Références

[1] Van Zuylen, E. J., Gielen, C. C., & Van Der Gon, J. D. (1988). Coordination and inhomogeneous activation of human arm muscles during isometric torques. Journal of Neurophysiology, 60(5), 1523-1548.

[2] Marzke, M. W., Wullstein, K. L., & Viegas, S. F. (1992). Evolution of the power (“squeeze”) grip and its morphological correlates in hominids. American journal of physical anthropology,


Revue Scientifique de Préparation Physique, 2014, Vol. 1, N°1, pp. 1-3
ISSN 2297-234X

Emmanuel Legeard

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